Savez vous que le directeur du premier quotidien marocain (Al Massae) est en prison depuis six mois ? Rachid Niny, 41 ans, croupit dans sa cellule de la prison d’Oukacha (Casablanca) sans provoquer le tapage médiatique d’autres cas similaires comme, en 2003, celui d’Ali Lmrabet, directeur de Demain, ou, en 2009, de Driss Chahtane, directeur d’Al Michaal. Grâce à cette mobilisation des médias et de la société civile tous les deux sont sortis de prison bien avant la date prévue.
Une partie de l’opinion publique espagnole et des responsables politiques d’alors s’étaient engagés pour faire libérer Ali Lmrabet. Les français aussi, mais dans une moindre mesure. Lmrabet parle la langue de Cervantès et sa compagne, avec qui il a deux enfants, est espagnole. Rachid Niny parle aussi la langue, il a vécu trois ans dans la région de Valence, il a écrit un livre sur son séjour comme immigré clandestin (Journal d’un illégal), sa femme est espagnole et sa fille fréquente l’école espagnole de Rabat. Et en plus il lit EL País, le journal ou je travaille. Mais personne n’a levé le petit doigt en Espagne ni en Europe pour le sortir de sa cellule.
Après son séjour en Espagne Niny est rentré au Maroc et, en 2006, il a fondé « Al Massae » (Le Soir) qui est devenu en peu de temps le premier quotidien du Maroc avec 113.000 exemplaires vendus. Au départ son journal était une sorte de bouffée d’air frais dans le morne panorama de la presse marocaine. La tribune que son directeur rédigeait tous les jours en dernière page était sans doute l’article le plus lu de la presse marocaine.
La raison de ce silence au sujet de son emprisonnement est simple : Niny a beaucoup d’ennemis y compris parmi les journalistes marocains et étrangers qui pourraient aujourd’hui le soutenir. Il les a bien cherchés. Il s’est servi pendant des années de sa tribune quotidienne pour attaquer voire diffamer a hue et à dia. Il a, par exemple, enflammé, en novembre 2008, les islamistes de Kassar el Kébir, dans le nord du pays, pour qu’ils s’en prennent physiquement à des homosexuels qui avaient participé à une fête autour d’un faux mariage gay. Sans doute s’étaient-ils inspirés de l’Espagne ou les homosexuels pouvaient enfin se marier à partir de 2008.