Cembrero

Les musulmans peuvent-ils être espagnols?

Por: | 02 de febrero de 2012

Le précurseur fut José Manuel García-Margallo, 67ans, aujourd’hui ministre des Affaires Étrangères d’Espagne et, jusqu’à la fin 1982, député de Melilla pour un parti de centre-droite désormais disparu.  Il est le promoteur d’une réforme du code civil, promulguée en juillet 1982, qui dans la pratique empêcha les musulmans de cette ville d’accéder à la nationalité espagnole quand ils devenaient majeurs. GarciaMargallo

Cette initiative fut le premier exemple, dans l’Espagne démocratique de la fin du 20ème siècle, de la méfiance qu’inspirent aux conservateurs espagnols, surtout à ceux de la Péninsule, les musulmans de ces deux villes –leur population n’atteint pas les 160.000 habitants- que l’Espagne possède en Afrique du Nord. José Ignacio Wert, le ministre d’Éducation du Parti Populaire, vient, mardi dernier, d’en fournir une nouvelle preuve.

   En 1982 seuls 17,5% des musulmans berbères de Melilla avaient la nationalité espagnole. Ceux qui étaient nés dans la ville pouvaient choisir, en devenant majeurs, la nationalité espagnole. C’était « l’unique voie qui permettait une réelle intégration » des musulmans, rappelle dans, un livre publié en 2010, (La ley de extranjería de 1985 y la transformación del espacio público en la ciudad de Melilla) l’écrivain et journaliste Fernando Belmonte.

   La reforme introduite par García-Margallo avait octroyé au Ministère de la Justice la décision sur la concession de la nationalité. Les demandes pouvaient être rejetées pour des « motifs d’ordre public ou d’intérêt national ». En 1982, 269 jeunes musulmans berbères obtinrent la nationalité espagnole à Melilla. En 1983, une fois la réforme entrée en vigueur, ils ne furent plus que 18. Il s’agissait ainsi « d’éviter que l’obtention de la nationalité fasse que, à la longue, une majorité de citoyens espagnols soient d’origine berbère », écrit Belmote.

    Lui-même, le blogueur de Melilla Enrique Delgado, ou l’ex député européen espagnol Abdelkader Mohamed Ali, pointent du doigt García-Margallo. Il est l’inspirateur de cet amendement du code civil qui, avec la loi espagnole sur les étrangers de 1985, provoqua, l’année suivante, la révolte des musulmans de Melilla. Grâce à elle ils purent obtenir enfin leurs droits.

   Le livre de Belmont a été publié l’année dernière par l’Institut des Cultures de Melilla, un organisme municipal, présidé à cette époque par Abdelmalik el Barkani, qui dans sa préface couvre d’éloges son auteur. El Barkani est l’une des victimes de l’amendement. Il n’a pu obtenir la nationalité espagnole qu’il y a vingt ans mais il est devenu, début janvier, le premier gouverneur musulman de la ville nommé par le Parti Populaire au pouvoir depuis fin décembre. Sa nomination, celle d’un musulman, est l’exception qui confirme la règle.

   El Barkani, né à Melilla en 1960, n’était dans sa jeunesse ni espagnol ni marocain. Il était, comme tant d’autres musulmans, dans les limbes juridiques. Quand la police l’interpellait dans la rue il montrait les deux seuls documents qui œuvraient en son pouvoir : un extrait d’acte de naissance dans la ville et son certificat de scolarisation au lycée La Salle. La police le laissait alors continuer son chemin.

   Après García-Margallo il y a eu bien d’autres. Il y a eu, par exemple, Federico Trillo, président du Congrès dans les années quatre-vingt-dix et aujourd’hui sur le point d’être nommé ambassadeur aux États-Unis. En 1999 il désapprouva l’élection de Mustafá Aberchán, le premier président (maire) musulman de Melilla,. « Ce qui peut arriver de mieux pour Ceuta et Melilla c’est qu’elles soient entre les mains de partis politiques qui garantissent leur caractère espagnol », avait-il-dit. Pourtant jamais les deux partis locaux à majorité musulmane n’ont mis en doute la souveraineté espagnole.

   Avec le retour des conservateurs au pouvoir, le Parti Populaire a gagné les élections fin novembre, les soupçons sont revenus rapidement en force. Cette fois-ci c’est le ministre de l’Education, José Ignacio Wert, qui a pris les devants, mardi dernier, devant une commission parlementaire au Congrès des Députés.  Il a attribué l’échec scolaire dans les deux villes à « l’avalanche de marocains » qui tirent « profit » de la gratuité du système scolaire en Espagne.

   Tout est faux dans ses propos. C’est à Ceuta que le nombre d’élèves étrangers (2,5%) est le plus faible de toute l’Espagne. A Melilla il est certes plus élevé (8,3%), mais toujours en dessous de la moyenne nationale espagnole et loin derrière d’autres régions comme la Catalogne (13,1%), Madrid (13,6%) ou La Rioja (15,9%). Ses propos ont suscité un tollé et pas seulement parmi les musulmans des deux villes mais aussi dans les rangs socialistes et des syndicats.

   « Il est intolérable qu’un ministre dépouille de sa nationalité à des milliers de citoyens espagnols résidant à Ceuta parce-ce qu’ils professent la religion musulmane », dénonce, par exemple, la coalition électorale Caballas, à majorité musulmane. En fait, le ministre a confondu marocains et musulmans, ceux-ci sont majoritaires dans les écoles des deux villes, et il a aussi « oublié » que l’école est gratuite au Maroc.

   Le tapage politique a fini par obliger la municipalité de Ceuta et le député de la ville, Francisco Márquez, tous deux du Parti Populaire, à se démarquer de leur gouvernement. « Le ministre Wert s’est trompé. Il n’a pas eu le temps de connaître la réalité éducative de Ceuta. Je vais l’informer », a écrit Márquez sur Twitter (@PacoMarquezdlR). Du coup Wert a nuancé ses propos. A quand la prochaine gaffe d’un dirigent conservateur espagnol ?

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Sobre el autor

es un veterano periodista español cuya carrera oscila entre Europa y sus vecinos norteafricanos, pero que decepcionado y aburrido por el inmovilismo del Viejo Continente, mira cada vez más hacia el sur

Un vétéran journaliste espagnol dont la trajectoire oscille entre l’Europe et ses voisins d’Afrique du Nord, mais qui, déçu et ennuyé par l’immobilisme du Vieux Continent, regarde chaque jour un peu plus vers le sud.

A veteran Spanish journalist whose career swings from Europe to its North African neighbors, but who is disappointed and bored by the immobility of the Old Continent and increasingly looks to the south.

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